Sélection génétique Cot N

Le Vin de Cahors a obtenu l’appellation VDQS (Vin Délimité de Qualité Supérieure) en 1951. Le CETA de Luzech (Centre d’Études Techniques Agricoles) a été crée en 1954 pour les besoins de l’encépagement VDQS fait à base de sélection massale du Cot N (greffage en place à l’époque).

En 1967, les premières têtes de clones de Cot ont été sélectionnées sur un parcellaire expérimental appartenant à la cave des Côtes d’Olt de Parnac. Au plan technique, ce travail a été effectué par José BAUDEL, ex-directeur de l’IVCC (Institut des Vins de Consommation Courante qui existait avant l’ONIVINS, aujourd’hui devenu FranceAgriMer), par le CETA de Luzech et par la Chambre d’Agriculture du Lot. Les têtes de clones étaient des vignes de Cot, localement Auxerrois ou Malbec, appartenant aux membres du Syndicat de Défense de l’Appellation Cahors, majoritairement coopérateurs à l’époque puisque 70% du Cahors était produit par la Cave des Côtes d’Olt.

Pour mémoire, lorsque l’AOC Cahors a été obtenue en 1971, le vignoble comptait 7200 ha de vignes mais à peine 400 ha d’Appellation Cahors dont 30% de Jurançon Noir ou Dame Noire, vignoble non palissé, très présent sur le causse. Le Jurançon Noir ne fait plus partie aujourd’hui des cépages autorisés dans le décret d’appellation. Le reste du vignoble était des hybrides (7053, 18315, 26205, etc…).

Les premiers clones de Cot N d’origine cadurcienne ont également été obtenus en 1971 : les clones 42 et 46. Les clones 594, 595, 596 et 598, également d’origine cadurcienne, seront agrées en1978. Des clones de Cot N d’origine bordelaise seront agrées entre temps (180, 279, 353, 419, 592 et 593) mais peu diffusés.

En parallèle, en 1975-1976, ont été mis en place sur le site de la Ferme Départementale d’Anglars-Juillac, 50 ares de Merlot N (2 clones) et 50 ares de Tannat N (3 clones) pour les besoins en greffons des 2 cépages complémentaires de l’appellation. Ils ont été mis en place par le travail du groupe d’entraide et la Chambre d’Agriculture du Lot, et financés par le CETA de Luzech.

Pendant ce temps, le vignoble se replantant (arrachages d’hybrides au profit des cépages de l’appellation), les fournitures de greffons de Cot N, de Merlot N et de Tannat N étaient prélevées sur différentes parcelles de sélection massale de qualité.

De 1980 à 1983, les travaux de sélection ont été repris dans le même parcellaire expérimental par Mr Philippe LECLAIR (INRA Bordeaux) et par Francis LAFFARGUE (CA46).

Il s’agissait de vérifications ampélographiques visuelles de chaque souche en 3 passages :
1. observation ampélographique en juin, souche par souche, concernant l’aspect du feuillage, le port du cépage et la qualité de la pousse,
2. observation fin août concernant l’aspect du feuillage et la conformité des grappes,
3. prélèvement de bois en hiver pour testage de 2 viroses : le court noué et l’enroulement. Les tests étaient réalisés au laboratoire de l’INRA de Bordeaux.
Ces travaux ont abouti à la mise en place d’un conservatoire de clones de Cot N à la Ferme Départementale d’Anglars-Juillac : 180 têtes de clones de Cot N sur 50 ares.

L’ensemble des vignes mères de matériel de base B de l’AOC Cahors en sélection clonale, soit les clones 594, 595, 596 et 598, mis au point par le CETA de LUZECH et la Chambre d’Agriculture du Lot, ainsi que les 2 clones d’obtention bordelaise (clones 42 et 46) seront greffés par nos soins chez Mr DOLS à St Géry en présence de l’ONIVINS pour différents pépiniéristes et vignerons locaux.

C’est donc le CETA de Luzech qui, depuis l’origine, avec le concours de l’INRA, de la Chambre d’Agriculture du Lot et le bénévolat des vignerons coopérateurs, a permis la réalisation du vignoble de Cahors. L’ensemble de ce travail de sélection sérieux et minutieux a permis de fournir 80% du vignoble actuel, à chances égales, sans aucune préférence pour les négociants, les coopérateurs ou les particuliers.

Ont participé avec leurs compétences techniques : Mr POUGET, directeur de l’INRA de l’époque, Mr Philippe LECLAIR, Mr José BAUDEL, Mr Jean-Pierre PELISSIE, et Mr Francis LAFFARGUE, associant leurs structures : INRA, (Bordeaux), Cave Coopérative des Côtes d’Olt à Parnac, et Chambre d’Agriculture du Lot.

La sélection génétique du Cot N, ou Malbec N, principal cépage de l’A.O.C. Cahors n’a jamais cessé depuis. Elle est toujours en cours, avec comme objectifs :
– la conservation du patrimoine génétique du Cot N,
– la mise en évidence du comportement de nouveaux clones de Cot N
– la fourniture de références régionales et locales pour le choix des clones de Cot N
– communiquer et sensibiliser (viticulteurs, personnes extérieures…)

1. Sélection cadurcienne

De 1990 à 2000, les 180 têtes de clones de Cot N présentes dans le conservatoire de la Ferme Départementale ont été soumises à études, observées (sensibilité aux maladies cryptogamiques, à la coulure, rendement…) vinifiées (à raison de 10 clones/an) et dégustées, conduisant à la sélection de 5 « potentiels nouveaux clones », originaux, moins productifs, apportant des notes typées et racées dans les vins de Cahors.

Des tests sanitaires ont été réalisés pour être certain de travailler avec un matériel végétal sain, non virosé.

En avril 2003, ces 5 nouveaux clones ont été placés en collection d’étude sur le site de la Ferme Départementale. De 2005 à 2010, ils ont à nouveau été observés (précocité au débourrement, observations ampélographiques (forme et taille des feuilles et des grappes), sensibilité aux maladies cryptogamiques, à la coulure, contrôles de maturité, rendement…) vinifiés (à raison de 10 clones/an) et dégustés.

Au terme de ces 5 années d’étude, deux clones sont apparus particulièrement intéressants sur le plan viticole et œnologique. Fin 2010, un dossier de demande d’agrément reprenant l’ensemble des observations, notations et résultats de dégustation depuis 2005 a été déposé au C.T.P.S. pour ces 2 clones. Ils ont été agrées sous les numéros 1127 et 1128.

Ces 2 nouveaux clones de Cot N portent à 16 le nombre de clones de Cot N agrées au C.T.P.S. (dont 9 de significativement diffusés)

Deux parcelles de multiplication de ces 2 nouveaux clones ont récemment été mises en place sur le site de la Ferme Départementale afin de fournir les vignerons désireux d’en planter. Ces deux parcelles représentent une surface totale de 90 ares, la difficulté pour mettre en place ce type de parcelle étant la disponibilité de terres vierges de vigne depuis 10 ans (https://www.franceagrimer.fr/filieres-Vin-et-cidre/Vin).

2. Sélection tourangelle

En avril 2003 également, d’autres clones « potentiels » issus de la région Centre (Collaboration avec la Chambre d’Agriculture du Loir et Cher – 41) ont été mis en conservatoire sur le site de la Ferme Départementale. Il s’agit de clones de Cot N dits « précoces », considérés comme tels par la CA 41 et observés comme tels chez plusieurs viticulteurs du Loir et Cher.

Le travail de prospection a été effectué avec le concours de FranceAgrimer et des Chambres d’Agriculture du Loir et Cher (Michel, BADIER) et du Lot (Francis LAFFARGUE).

Les clones potentiels ont été sélectionnés chez différents viticulteurs. Au final, 29 têtes de clones (clones potentiels) issues de 3 familles ont été implantées dans le Lot après les vérifications sanitaires de rigueur.

Pendant 3 ans, ces 29 clones ont été suivis, observés, notés et des contrôles de maturité ont été réalisés. Ce travail a conduit à isoler les 6 clones les plus qualitatifs de chaque famille. Depuis 2011, ces clones sont récoltés, vinifiés et dégustés séparément. Les critères de précocité à la récolte observés en Touraine se confirment dans le Lot (environ une semaine d’avance à la récolte).

Au terme de plusieurs années complètes de suivi, des différences d’appréciation apparaissent très nettement entre familles mais également entre clones au sein d’une même famille. Il semblerait que l’on retrouve plus d’arômes variétaux dans les vins issus de ces clones potentiels, parfois proches des « thiols », rappelant parfois le Cabernet Franc.

A terme, selon les résultats obtenus, un ou plusieurs clone(s) de chaque famille pourra (pourront) être présenté(s) au C.T.P.S. pour demande d’agrément.

En 2016/2017, à la demande du viticulteur, 29 autres origines tourangelles (37) issues de 9 souches différentes ont été sélectionnées sur une parcelle pré-phylloxérique contenant divers cépages dont du Cot. Ces 29 nouvelles origines ont été plantées sur une parcelle de la Ferme départementale d’Anglars-Juillac et seront prochainement comparées aux clones de Cot N déjà agrées .

3. Sélection argentine

En 2006, un voyage d’étude en Argentine a permis la prospection et le repérage de souches de Cot N « intéressantes ». Ces souches (18) ont ensuite été repérées par l’ENTAV puis introduites en France et mises en quarantaine à l’INRA de Clermont-Ferrand après réalisation des tests sanitaires obligatoires.

Les résultats de ces tests n’ont permis de récupérer que 10 origines saines en sortie de quarantaine (8 origines virosées sur 18, soit 45% des plants introduits). En 2012, ces plants ont été mis en collection d’étude sur le site de la Ferme Départementale, sur une parcelle du CETA de Luzech. Ils sont comparés aux clones cadurciens dans les conditions de production imposées par le décret AOP Cahors : plants greffés (Riparia GM) non irrigués, vignoble palissé. La densité de plantation est de 5000 pieds/ha.

Les vins de Cahors sont très souvent comparés aux vins argentins, simplement parce que le cépage est le même et qu’il est très à la mode depuis quelques années sous le nom de Malbec. On peut même lie, parfois, que le cépage de Cahors est le Cot N alors que le cépage argentin est le Malbec N, ce qui expliquerait certaines différences… Pourtant, dans la mesure où les conditions de production sont complètement différentes entre nos deux continents, ces comparaisons n’ont de valeurs ni scientifiques, ni techniques. En effet, les vignes argentines sont irriguées et franches de pieds (non greffées), sans compter le fait que la réglementation œnologique en terme de techniques ou d’additifs autorisés dans le vin n’est pas la même qu’en France.

Ce nouveau dispositif mis en place sur le site de la Ferme Départementale permet d’effecteur des comparatifs ampélographiques, viticoles et œnologiques (nez + bouche) sur un même terrain et avec les mêmes règles de conduite viticoles et œnologiques : celles de l’AOP Cahors.

En 2014 (3e feuille), malgré les tests sanitaires obligatoires et la mises en quarantaine à l’INRA de Clermont-Ferrand, des rougissements sont apparus sur 3 origines. Des observations sur site en présence du plus grand ampélographe national, Jean-Michel BOURSIQUOT, ainsi que de nouvelles analyses (tests sanitaires, virus, viroïdes, bactéries….) n’ont pas permis d’identifier l’origine de ces rougissements spectaculaires. Dans le doute, et afin de ne pas contaminer le reste de la parcelle ainsi que les parcelles avoisinantes, toutes les souches de ces 3 origines ont été arrachées.

Cette expérience, alors que toutes les précautions sanitaires avaient été prises, montre l’importance de la sélection sanitaire et les risques graves de contamination qui peuvent être encourus lorsque du matériel végétal d’origine français ou étrangère est planté ou replanté sans aucune analyse.

4. Production de greffons

Avec le CETA de Luzech, dont le rôle dans l’historique de la mise en place de l’appellation a déjà été mentionné, la Ferme Départementale a produit jusqu’à 1 million de greffons par an, avec une moyenne de 350 à 400 000 greffons par an (Cot, Merlot, Tannat et Ségalin dans le passé) sur 45 ans.
L’ensemble de ce travail de sélection minutieux et sérieux a permis de fournir 80% des plants du vignoble actuel (environ 40 millions de greffons vendus depuis 1971 pour la plantation du vignoble de Cahors : 4500 ha). Ces greffons ont été fournis en priorité aux pépiniéristes lotois et aux pépiniéristes fournisseurs des vignerons lotois.

Sur 19 ha de vignes-mères de multiplication présents dans le Lot, tous cépages confondus, 14ha sont des vignes-mères des 3 cépages de l’AOP Cot, Merlot, Tannat (Cot majoritaire avec 10ha) et 4,6ha se trouvent à la Ferme Départementale d’Anglars-Juillac.

Cette activité de production de greffons nécessite évidemment un travail d’inventaire régulier des pieds manquants (comptage) dans chaque parcelle et d’auto-contrôle pour certifier la qualité sanitaire des greffons. Ces contrôles, auparavant à la charge de FranceAgriMer, sont désormais sous la responsabilité des professionnels tant au niveau financier qu’organisationnel. Les prélèvements s’effectuent par parcelle unitaire. C’est le nombre de souches de la parcelle unitaire qui détermine le nombre de prélèvements de sarments à effectuer pour avoir une représentativité suffisante (maillage régulier sur l’ensemble de la parcelle) pour valider les résultats des tests. Les analyses se font par lots de 10 sarments (10 souches) représentant une zone de prélèvement de 20 à 30 souches selon le protocole. Si un lot est contaminé, alors chacune des souches composant le lot doit être prélevée et analysée individuellement.Il en va de la responsabilité de chaque professionnel.

Si l’on se reporte à l’historique du CETA et en particulier à l’historique de la sélection clonale du Cot N dans l’appellation et à la masse de travail qu’a nécessité la mise en place de la collection actuelle de Cot N, il apparaît indispensable de la préserver et de la garder saine.

La Ferme Départementale est adhérente aux fédérations régionales et nationale des pépiniéristes viticoles (FRPV et FFPV).

Depuis 2019, la Ferme Départementale est adhérente à la toute nouvelle marque collective française de la pépinière viticole : VITIPEP’S. La marque Collective Pépinière Viticole Française propose le premier plant de vigne garanti et contrôlé « origine France » qui fédère les professionnels du plant sur l’ensemble des bassins viticoles français.

5. Et demain…

Les récentes analyses du génome de la vigne en 2009 ont permis de connaître les parents du Cot N : Le Prunelard N comme père (cépage qui a presque disparu (7ha répertoriés en France depuis 1958) et sans clone agrée à ce jour) et la Magdeleine Noire des Charentes comme mère (cépage très ancien mais inconnu en collection).

Les objectifs de la sélection sanitaire de demain pourront être : la caractérisation de la diversification génétique des conservatoires et des collections d’étude des clones de Cot N, la valorisation clonale ou polyclonale, la création variétale par métissage (croisement entre cépages) pour de nouveaux cépages complémentaires au Cot N ou par hybridation (croisement entre vitis) pour de nouveaux cépages résistants aux maladies fongiques.

Il est évident que la sélection est indispensable pour préserver la qualité sanitaire et la diversité génétique d’un cépage ou d’un porte-greffe. C’est un travail minutieux, parfois fastidieux, et dont les résultats ne sont pas immédiats, ni médiatiques, mais elle est garante de la sauvegarde génétique du matériel végétal que nous avons reçu en héritage. Elle ne doit jamais s’arrêter.

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